On peut faire autrement. Toujours.

Un petit voyage au cœur de l’entreprenariat social

Retour

Texte rédigé pour « L’arrosoir », le magazine du réseau national des Jardins de Cocagne. 

Les Jardins de Cocagne, c’est aujourd’hui près de 120 Jardins employant environ 4 000 salariés en insertion. Un Jardin cultive en moyenne 3,9 ha de surfaces en bio.

Chaque semaine, les jardins distribuent 25 000 paniers à environ 20 000 familles d’adhérents-consommateurs.

Voir le site du réseau Cocagne.

Voir aussi la page relative à Jean-Guy Henckel.

 Votre Jardin est membre d’un réseau qui s’élargit chaque année, qui essaime. Beaucoup d’autres initiatives, nées depuis dix ans, connaissent elles aussi un développement exemplaire. L’entreprenariat social est un secteur d’activité en croissance, un univers d’entreprises aussi modestes qu’efficaces, un mode de pensée et d’action qui intéresse de plus en plus de monde.

 C’est très intéressant ce qui se passe à la marge. C’est là que l’on trouve ceux qui peinent à intégrer le système dominant, et ceux qui, bien qu’intégrés, refusent le diktat de ce système. Pour les premiers, ce peut être un lieu de souffrance, de relégation. Pour les seconds, c’est un territoire de liberté, un espace vierge où l’on peut repenser les choses et inventer, hors des cadres. Ceux qui pensent à la marge ont une forte capacité à comprendre ceux qui échouent à la marge. Ils ont, au sens propre du terme, le même point vue, extérieur.

Sur le plan socio-économique, lorsque le système perd de son efficacité, lorsqu’il ne fonctionne plus correctement, on voit s’élargir cette marge. Elle se peuple. Et elle se peuple autant de « laissés pour compte » que d’inventeurs iconoclastes (et parfois révolutionnaires) qui, eux, ne sont marginaux que par leurs idées, leur refus de penser en rond. Ce sont leurs inventions, leur pensée à contre courant, qui permettent aux systèmes malades de se renouveler.

L’essor récent de l’entreprenariat social illustre bien ce phénomène. Dans la citadelle, les tenants d’une économie financiarisée à l’extrême poussent le système dans une froide logique dont on sent bien qu’elle finira par tuer ses propres petits. Émises par des penseurs trop étroitement dépendants du système, les idées alternatives ne sont pas entendues et pas toujours intelligibles. C’est donc à la marge que se fabriquent, actuellement, des solutions. Ça expérimente, ça tâtonne, ça bouture et ça produit des choses qui finissent par dessiner un modèle. Et l’on commence, du haut de la citadelle, à observer avec intérêt – et probablement quelques arrières pensées – ces idées nouvelles qui fonctionnent et qui pourraient bien, demain, sauvez le système actuel d’une dangereuse implosion.

 

De quoi parle-t-on exactement ?

La question se pose effectivement. Dans l’esprit de beaucoup, le concept d’entreprenariat social se mélange un peu avec celui d’économie sociale …que l’on distingue mal de l’économie solidaire. Les professionnels eux-mêmes ne sont pas à l’aise avec ces définitions.

L’entrepreneur social est un innovateur social qui opère selon une démarche entreprenariale. Il intervient sur un marché ; il propose des services ou des produits, contre rémunération. Ce qui le distingue de l’entrepreneur traditionnel, c’est l’objet de son entreprise, sa philosophie, sa finalité. L’entreprise traditionnelle est généralement engagée dans une logique de maximisation du profit et de ses parts de marché. Il lui arrive de poursuivre ce but avec plus ou moins de générosité envers ses salariés, avec plus ou moins de respect pour son environnement social et naturel, mais elle obéit avant toute chose aux règles de la compétition et de la performance économique.

L’entreprise sociale, quant à elle, place l’intérêt général, les règles démocratiques et l’éthique au centre de son projet. La différence n’est pas une question de statut. Une entreprise sociale peut prendre la même forme juridique qu’une entreprise traditionnelle. Dans la réalité, elle sont plus souvent des associations.

Mais finalement la difficulté à donner une définition n’est peut-être pas un problème. Cette porosité des concepts est peut-être même une chance. Le progrès est affaire de mouvement, de mutations, de détournements. Il n’est pas mauvais que des entreprises traditionnelles veuillent demain se qualifier de sociales lorsqu’elles auront rehaussé leurs standards en la matière. Il est bon également que les entrepreneurs sociaux osent afficher leur fierté d’être des managers efficaces et performants.

La société attend cela. Que les valeurs se rejoignent. Que les uns quittent leur froideur comptable et que les autres se départissent d’un scoutisme parfois irréaliste.

 

Une lente montée en puissance

Aujourd’hui, ce sont les acteurs de la solidarité qui bousculent les lignes. Ce sont eux qui inventent, qui innovent. Leurs préoccupations profondes sont sociales mais ils ont intégré les impératifs d’efficacité, cette efficacité qui seule garantit « la croissance du bénéfice social ». Ce sont ces managers qui mobilisent, qui entraînent. Leur exemple plaît, leur vision donne à réfléchir.

En 2007, pour la seconde fois, le Salon de l’entrepreneur qui se tient chaque année à Paris avait dédié un espace à l’entreprenariat social. Le succès a surpris tout le monde. Les visiteurs se pressèrent aux rencontres, aux ateliers, aux projections. Signe des temps, les jeunes furent très nombreux à manifester leur intérêt pour ces entrepreneurs d’un nouveau genre. Les médias offrirent une formidable caisse de résonance à cette modeste et inhabituelle mise en avant. Et l’on découvrit des personnalités. Des entrepreneurs de toutes origines professionnelles, pas forcément des experts du social, pas toujours « prédestinés ». Et des entreprises plus édifiantes, plus ambitieuses, plus modernes qu’on ne l’imagine lorsque l’on parle d’entreprenariat social.

 Cette vitrine offerte par le Salon de l’entrepreneur consacrait une véritable montée en puissance de l’entreprenariat social depuis dix ans. Une montée en puissance planétaire mais discrète. Dans une société où l’on se passionne peu pour l’économie, les expériences des entrepreneurs sociaux, leur réussite, font rarement les grands titres de l’actualité. Tout au plus a-t-on entendu parler du prix Nobel de la Paix 2006, attribué au Bangladais Muhammad Yunnus, fondateur de la Grameen Bank, plus grande banque mondiale de micro-crédit. Et pourtant, les innovations sociales de ce secteur inspirent les économistes, les politiques, les législateurs. 

Au niveau macroéconomique, on intègre des règles nouvelles dans les accords commerciaux. On commence à remettre en question la notion actuelle de Produit National Brut qui ignore les paramètres sociaux et environnementaux. On sait que les dogmes capitalistiques devront être revisités dans le sens d’une plus juste répartition des richesses.

Au niveau hexagonal, ce sont désormais ces nouveaux entrepreneurs qui déchiffrent les comptes sociaux et qui éclairent les gouvernants sur les économies que peut réaliser la collectivité en aidant les entreprises sociales dans un rôle de réparation où elles se révèlent plus efficaces que l’État.

 

Un secteur économique nouveau se développe, prend de l’importance. Il opère un travail de fond, à la fois immédiatement utile et porteur d’idées neuves pour l’avenir. Vous connaissez l’une de ces entreprises à qui vous achetez de bons petits légumes du jardin, participant en cela à la renaissance de personnes meurtries. Nous vous présentons ici quelques autres membres de cette grande famille, de moins en moins marginale.

HAUT