CHABLIS

C'est, dit-on, l'un des mots les plus connus
de la langue française

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Pour l'agence Grand Pavois (dont je suis l'un des équipiers).

Dossier de presse du Chablis pour la collective des vins de Bourgogne.

Voir le site des vins de Chablis.

 Chablis…   Le nom lui-même possède une magie sonore.

On dit qu’il est, sur toute la planète, l’un des mots les plus connus de la langue française. Un mot synonyme de Grand Vin Blanc sec, limpide, parfumé, vif et léger…

Chablis est une appellation d’origine (AOC) qui se décline en Chablis Grand Cru, Chablis Premier Cru, Chablis Village et Petit Chablis.

L’origine, c’est un peu l’étymologie du vin. On parle là des racines, c’est à dire du sol, la nature géologique d’un terrain très particulier, le kimméridgien, qui donne aux vins de Chablis leur étonnante minéralité. On parle aussi du relief de ces petites vallées, de la pente des coteaux, de leur exposition au soleil et aux vents. Et les conditions climatiques bien sûr. Des conditions si parfaites pour le cépage Chardonnay qu’on en oublierait presque l’éternelle menace du gel à l’époque des premiers bourgeons.

Car le Chablis doit vaincre, chaque année, son combat contre les gelées de printemps. Il y eu des années perdues, qui sont dans toutes les mémoires.

S’ils n’avaient pas conscience de produire un chef d’œuvre de la vigne, les hommes du Chablisien auraient baissé les bras depuis longtemps.

Mais la passion l’emporte toujours.

L’histoire du Chablis fut ainsi, au fil des siècles, une fascinante aventure émaillée d’épreuves et de prouesses. Une longue et inépuisable quête de perfection. Elle se poursuit encore, millésime après millésime. Elle suscite l’attention des amoureux du vin, dans le monde entier. L’or pâle et transparent tourne dans les verres. On découvre, on compare, on s’émerveille. Dans toutes les langues.

Tout cela se passe sur un petit territoire béni des dieux. Nous sommes dans le département de l’Yonne, au nord de la Bourgogne. Vingt communes composent le vignoble de Chablis qui s’étend sur 5 400 hectares. C’est un paysage de douces collines qui prend ses plus belles couleurs à l’automne.

Et au milieu coule une rivière, le Serein.

Et l’on produit ici un Grand Vin Blanc à l’expression inimitable.

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Si l’on devait chercher des points communs à tous les Chablis, on parlerait de fraicheur, de finesse et de minéralité.

Le cépage Chardonnay s’exprime ici avec élégance, comme nulle part ailleurs. D’un sous-sol vieux de 150 millions d’années, il tire un caractère unique et inimitable.

Le nez est enchanteur : très pur, évoquant les fleurs blanches et les agrumes, le zeste de citron, il offre une délicate sensation de légèreté. Certains Chablis peuvent révéler des notes finement beurrées, de noisette et de mousseron. Cette onctuosité charmante du nez se retrouve en bouche, car sous une trame vive, élancée et minérale, toujours très pure et cristalline, rappelant la roche de son terroir.

Une robe brillante, légère, pleine de lumière.

Les Chablis sont des blancs clairs, limpides, aux reflets d’or blanc, teinté de vert dans leur jeunesse, un vert qui exprime souvent  le mordant du silex, cette précieuse minéralité que restituent si bien les grands Chablis.

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Vous avez dit Kimméridgien ?

Mieux faut vous y habituer… Vous ne passerez pas cinq minutes avec un vigneron du Chablisien sans entendre prononcer ce nom étrange.

Le Kimméridgien, c’est un étage stratigraphique (une couche, pourrions-nous dire) du Jurassique supérieur, cette période géologique que l’on situe à environ 150 millions d’années. Autant dire que cette affaire remonte au déluge.

En ce temps-là, les terres qui forment aujourd’hui notre continent étaient immergées sous des eaux remplies d’une vie exubérante. Des huitres minuscules, en forme de virgule (Exogyra virgula), colonisaient notamment ces océans primitifs. Le cycle de la vie accumulait, dans les sédiments marins, des milliards et des milliards de ces dérisoires coquilles d’huitres mortes. Quand les eaux salines se retirèrent (80 millions d’années plus tard), ce tapis marin compacté, solidifié, fossilisé, formait une strate très distincte de marnes calcaires que l’on baptisa kimméridgien (le mot lui-même venant de Kimmeridge, un minuscule village anglais de la côte du Dorset, un endroit où les falaises de la Manche offrent une lecture exemplaire du phénomène).

Bien entendu, tout le Chablisien n’est pas un gâteau uniforme de kimméridgien. Le temps a remué la fragile écorce terrestre. D’autres strates se sont formées, mélangées. Mais c’est bien cette formation géologique, peuplées de coquillages d’un autre âge, qui caractérise les plus belles pentes du vignoble.

Ce petit miracle géologique joue un grand rôle dans la typicité des vins du Chablis. C’est à lui que certains attribuent ce goût minéral, qui semble sorti des entrailles de la terre.

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Le Chardonnay, cépage unique

Les vins de Chablis sont élaborés à partir d’un seul cépage, le Chardonnay, qui s’exprime ici d’une façon unique.

Ce cépage, dominant en Bourgogne, est aujourd’hui répandu dans le monde entier. Une vieille légende le disait rapporté par les croisés. Mais les ampélographes de l’Université de Davis en Californie ont prouvés qu’il n’en est rien (la science des cépages s’appelle l’ampélographie). Le Chardonnay est né en Bourgogne. Son ADN révèle qu’il est issu d’un croisement entre le Pinot noir et le Gouais (un blanc de peu d’intérêt, aujourd’hui abandonné, illustrant en cela les facéties imprévisibles de la génétique). Il appartient à la famille des Noiriens.

 Son potentiel qualitatif exceptionnel permet au Chardonnay de donner naissance à de grands vins blancs. Les teneurs en sucre des baies peuvent atteindre des niveaux élevés tout en conservant une acidité importante. Le Chardonnay a surtout le don d’exprimer à merveille son terroir de production. Il a un faible pour les région fraîches, qui lui donnent un équilibre très recherché entre vivacité, onctuosité et force aromatique.

 Les terrains qui conviennent le mieux au Chardonnay sont des sols moyennement fertiles et à dominante calcaire ou riches en marnes les marnes étant des sédiments calcaire plus meubles). Sur sols minces et à forte teneur en calcaire, le Chardonnay présente un visage plus austère, plus métallique parfois, tandis qu’il se montre plus rond, plus riche et plus flatteur sur des sols plus profonds.

 Ici, à Chablis, sur ce sol de marnes calcaires du kimméridgien, le Chardonnay produit des vins d’une pureté cristalline, aux saveurs iodées mêlées de notes florales mais aussi d’agrumes et de fruits à chair blanche. Sa minéralité, plus ou moins mordante, peut varier selon la nature du sol de chacun des Climats du vignoble. Elle caractérise cependant tous les Chablis Grand Cru et Premier Cru.

 Le Chardonnay est un cépage relativement précoce, qui craint les gelées de printemps dans les terroirs à tendance continentale. Sa maturation est elle aussi précoce, puisqu’elle se termine une semaine et demie après le Chasselas, cépage étalon. Le Chardonnay appartient donc à la catégorie des cépages de Première époque.

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Les 47 Climats de Chablis

Il existe en Bourgogne des milliers de Climats. Malgré cela, les parcelles étant toujours de taille modeste, aucun Climat n’appartient à un seul viticulteur.

À Chablis, 47 Climats peuvent apparaître sur l’étiquette d’une bouteille :

- 40 pour le Chablis Premier Cru,

- 7 pour le Chablis Grand Cru.

Ils ont pour nom Vaudésir, Blanchots, Grenouilles, La Fourchaume, Montée de Tonnerre… des noms emplis d’une fabuleuse histoire qui se poursuit, saison après saison.

Ce mot « Climat » (auquel on donne une majuscule) ne se réfère pas à la météorologie. C’est un terme typiquement bourguignon qui désigne une parcelle de vigne, soigneusement délimitée, nommée depuis des siècles, qui possède son histoire et bénéficie de conditions géologiques et climatiques particulières.

Le mot lui-même vient du mot grec klima, signifiant inclinaison.

 Le Climat, c’est une alchimie parfaite entre l’homme et la nature.

Depuis qu’il cultive la vigne en Bourgogne, l’homme a su observer qu’il existe, au sein d’un même vignoble, des différences organoleptiques franches entre les vins issus de différentes parcelles, parfois sur un même coteau. Ces différences résultaient du fait que chaque vin était le fruit d’une conjonction particulière entre l’exposition au soleil et aux vents, l’inclinaison de la pente, son altitude sur le coteau… sans oublier le facteur humain, la façon singulière de soigner la vigne et d’élever le vin.

Dès lors, il semblait évident de distinguer ces vins entre eux, en nommant ces microterroirs.

La plus ancienne mention écrite du mot Climat connue aujourd’hui en Bourgogne est Chablisienne. Elle se trouve dans un document daté de 1540 où l’on peut lire : « les vignes se vendengeront par climatz, costes et contrées ».

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La fabuleuse histoire d’un vin d’exception

La vigne était cultivée dans l’actuelle Bourgogne depuis les temps antiques lorsqu’un empereur romain (vers 81-86), craignant la concurrence des vins de Gaule, ordonna l’arrachage des ceps. Deux siècles plus tard Probus, l'un de ces successeurs, rendit la liberté aux vignerons. On dit même qu'il fit parvenir des plants à Chablis. ...

 Mais ce sont les moines cisterciens, dès le XIe siècle, qui travaillèrent le plus activement au rayonnement de la dive bouteille et de son vignoble.

L’origine de cet ordre monastique remonte à la fondation de l'abbaye de Cîteaux, en Bourgogne, en 1098. Un peu plus tard, en 1114, l’ordre éleva la plus grande église cistercienne de France à Pontigny, à 15km de Chablis.

En désirant revenir à la pureté de la vie évangélique et à l’obéissance à la Règle de Saint Benoît, cet ordre réformé manifestait une exigence intérieure qui se traduisait, hors des murs du couvent, par une égale exigence dans le travail de la terre.

Forts de cette spiritualité nouvelle, l’ordre, propriétaire des terres, des granges et des celliers, mis en place une organisation collective et des techniques de travail qui allaient métamorphoser le vignoble… et lui assurer un débouché commercial dans toute l’Europe chrétienne. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, tout appartenait à l’ordre, comme en témoigne encore le patrimoine religieux de la petite ville de Chablis.

Puis vint le fracas de la Révolution.

La prédominance du clergé sur l’économie était alors si puissante qu’elle provoqua des heurts particulièrement violents. Les révolutionnaires abattirent les croix, pillèrent les propriétés de l’église et firent une chasse enragée aux fidèles. Dans la petite cité de Chablis, on créa une société des « Amis de la Liberté et de l’Égalité ». Ce petit cénacle, décida, en quelques mois, de distribuer les terres viticoles selon des mérites républicains. C’est à ce moment que le vignoble chablisien éclata en microparcelles. Une atomisation du cadastre agricole qui explique que les Grands Crus, qui couvrent aujourd’hui une superficie d’à peine cent hectares, sont morcelés en quelques 400 lots.

Le calme revint enfin. Sous l’effet de l’émulation entre petits propriétaires, le XIXe siècle vit progresser les techniques de vinification et la qualité des vins.

Un vignoble menacé, meurtri, puis sauvé par le génie et la détermination des hommes du Chablisien

Il y a eu d’abord le phylloxéra, ce funeste puceron qui fit des ravages dans le monde entier. Il fit son apparition dans le Chablis en 1887. En 1893, tout le vignoble était détruit. Il fallut dix ans pour reconstituer la vigne à partir d’une variété de la vigne originelle, résistante au phylloxera, importée d’Amérique. Puis vinrent les deux grandes guerres de XX siècle, qui privèrent le vignoble de sa main d’œuvre et de ses débouchés commerciaux. Le gel, cet ennemi redouté dans le Chablisien, fit deux attaques mémorables au milieu du siècle, réduisant à néant toute la production. Dans les années 50, le vignoble se réduisait à quelques centaines d’hectares. Vivre de la viticulture était très difficile.

Mais la détermination l’emporta. Des viticulteurs ingénieux remportèrent les premières victoires dans la lutte contre les gelées tardives (voir page --). Les décennies suivantes virent la consolidation de la filière viticole, la définition des crus de Chablis par l’INAO, puis, petit à petit, la reconnaissance mondiale et son corolaire : la lutte contre les imitations, qui se poursuit encore (à tout seigneur, tout honneur).

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Le froid, un mot qui fait encore frissonner de peur

Le vignoble de Chablis jouit d’un climat semi-continental caractérisé par de forts contrastes thermiques entre des étés chauds et des hivers longs et rigoureux.

 Les  gelées de printemps ont toujours été la hantise des vignerons.

Certaines nuits d’avril ou de mai, un ciel clair et un vent froid s’engouffrant dans la vallée du Serein peut anéantir le travail de toute une saison. L’inventaire des sinistres, tout au long de l’histoire, est considérable. Certaines années, telles que 1887 et 1957, sont définitivement marquées d’une pierre noire. Noire comme le bourgeon tué par le froid. Après de tels affronts du destin, il fallait une foi chevillée au corps pour repartir après l’anéantissement de toute une récolte.

Mais l’homme a de l’imagination.

Certains vignerons ont d’abord fait appel au feu. Les premières chaufferettes apparaissent dans le vignoble à partir de 1959. Ces fourneaux percés de trous rougeoyaient dans la nuit comme des sentinelles. Leur fumée elle-même opacifiait l’air et limitaient le refroidissement du sol.

D’autres osèrent un antidote effrayant : le gel pour contrer le froid. La technique de l’aspersion consiste à pulvériser de l’eau sur les vignes. Cette eau gèle au contact du bourgeon, formant alors un cocon protecteur à 0oC, qui fera rempart aux températures négatives. C’est la stratégie de l’igloo.

Cette  dernière technique s’est révélée la plus efficace, et l’on a vu ainsi apparaitre, dans tout le vignoble, des bassins artificiels, des réserves d’eau, qui scintillent au soleil comme des éclats de miroir.

 

La légende de la mère Dondaine

Selon le poète Patrice de la Tour du Pin, les pays qui n’ont pas de légende sont condamnés à mourir de froid. Le froid, il en est question justement, dans cette histoire.

C’était une glaciale nuit. Martin Simon s’en revenait du cabaret de la mère Dondaine après une soirée mémorable en compagnie de quinze maîtres-garçons des environs de Chablis. La mère Dondaine venait juste de mettre une feuillette* en perce. Ce fut un dîner comme Martin les aimait. Il y avait de la soupe au lard salé et aux pois ronds, suivie d’une friture prise la veille à la nasse près du Moulin des Roches, et trois belles oies en broches dans la cheminée centrale. À deux heures de la nuit, tout le monde s’en alla content et les joues luisantes. La lune était pleine et le ciel rempli d’étoile. Même le cheval Platon frissonnait dans le froid mordant. Martin fut soudain pris d’une envie de pisser. Il fit quatre pas, pour le principe, et vida copieusement sa vessie sur un superbe pied de vigne. Cette nuit-là, toute la côte des Grenouilles gela à mort. Sauf un miraculé : le cep arrosé par Martin, qui, au petit matin, montrait au soleil blanc des guirlandes de topaze parfaitement solidifiées. À l’intérieur des cristaux, les tendres bourgeons avaient survécu.

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Vinifier, élever, sublimer…

La taille de la vigne s’échelonne tout au long de l’hiver jusqu’au mois de mars.

Elle est suivie du « baissage » qui consiste à lier la branche maitresse au fil de fer inférieur pour la maintenir la plus près possible du sol lors de la lutte contre les gelées de printemps.

Le débourrement (l’éclosion des bourgeons) est ensuite très rapide. C’est presque une explosion végétale. Debut mai, la vigne semble en hibernation ; deux semaines plus tard, un vert tendre inonde les coteaux.

 La récolte aura lieu cent jours après la fleur.

Dès la cueillette, les raisins sont amenés au pressoir et rapidement écrasés, les peaux ne macérant jamais dans le moût.

Celui-ci est mis à fermenter, dans des cuves inox ou des fûts de chêne, selon les convictions et les sensibilités (un beau débat qui, fort heureusement, n’est pas prêt de s’épuiser).

Après quelques jours de bouillonnement, le moût se transforme en un vin laiteux, pétillant et sucré. La fermentation alcoolique se déroule ensuite sur deux à trois semaines à basse température (entre 15°C et 18°C). Au cours de cette étape, les levures transforment le sucre du raisin en alcool.

Puis une autre fermentation se déclenche, appelée malolactique. Des bactéries transforment alors l’acide malique présent naturellement dans le vin en acide lactique. Cette étape a pour conséquence de diminuer l’acidité du vin et de le stabiliser. La grande majorité des vins de Chablis réalise cette seconde fermentation.

 Puis l’élevage des vins commence.

Les vins de Chablis sont toujours élevés « sur lies », une technique qui consiste à élever un vin sans le séparer de ses lies, afin d’augmenter sa rondeur et ses arômes.

Le viticulteur réalise alors régulièrement un « bâtonnage », c'est-à-dire une remise en suspension des lies.

Cette période d’élevage varie selon les vinificateurs et le profil de vin recherché. Pour l’appellation Chablis Grand Cru, l‘élevage doit se dérouler au minimum jusqu’au 15 mars de l’année qui suit la vendange.

Au terme de cette phase, la filtration est pratiquée pour rendre le vin plus limpide.

Puis vient la mise en bouteille.

Des assemblages peuvent être réalisés afin d’obtenir des vins présentant le meilleur équilibre selon le style et l’aptitude au vieillissement recherchés.

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